Haley Kuchar, locataire à la Note des bois depuis 2020, ne mâche pas ses mots : « Les murs étaient fissurés, il y avait des marques au sol, les choses étaient mal installées, le cadre de ma porte se détachait du mur. Le chauffage a été mal installé dès le début, donc, depuis trois ans maintenant, de nombreuses personnes n’ont pas de chauffage pendant les mois d’hiver ».
Dès leur premier jour dans cette résidence située en face du parc La Fontaine, dans l’est du Plateau-Mont-Royal, des locataires interrogés affirment avoir été déçus de la qualité des finitions de l’immeuble, en partie financé par l’Union des étudiants et étudiantes de Concordia (CSU).
« C’est assez régulier dans la construction qu’il y ait des déficiences. C’est-à-dire qu’une fois un l’immeuble [terminé], effectivement, il y a des ajustements à faire. On a fait les ajustements nécessaires », selon Élise Tanguay, directrice des affaires publiques chez l’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE), un OBNL gérant la Note des bois et oeuvrant au développement du logement étudiant au Québec.
Des travaux sur le système de chauffage ont notamment été réalisés dans les derniers mois.
Au cours du référendum de la CSU en 2015, les étudiants de l’Université Concordia ont voté en faveur du transfert de 1,85 million de dollars vers le Fonds communautaire pour le logement étudiant (CLÉ), dédié au financement d’un projet de coopérative d’habitation étudiante qui deviendra par la suite La Note des bois. Le projet a donc été en partie financé par des contributions étudiantes du CLÉ, représentant au final 10 % de son coût total.
Le mandat du CLÉ était de construire une coopérative d’habitation étudiante hors campus. Malgré ce plan initial, la Note des bois n’a pas vu le jour comme étant une coopérative d’habitation, comme rapporté par plusieurs journaux comme le Globe and Mail et le Concordian et comme mentionné sur le site de la CSU, mais plutôt comme une coopérative de solidarité.
Une coopérative d’habitation permet aux résidents de s’occuper de la gestion et de l’entretien de l’immeuble de façon autonome, alors qu’une coopérative de solidarité dépend d’une société de gestion comme l’UTILE. Le but principal d’une coopérative de solidarité est de récolter des fonds destinés à organiser des activités communautaires pour les résidents.
« Ça n’a jamais été une coop d’habitation », affirme Tanguay, interrogée sur la question. « Les articles de journaux ne rapportent pas la bonne information. »
Pourtant, les termes du référendum de 2015 stipulaient que le fonds de 1,85 million de dollars irait à la construction d’une coopérative d’habitation. Sur place, plusieurs résidents disent qu’ils pensaient habiter dans une coopérative d’habitation jusqu’à récemment.
Dysfonctionnements
Léa Raymond-Marshall, résidente depuis 2020, raconte qu’un colis s’est fait voler dans une pièce où les résidents sont les seuls à avoir accès.
« Tout le monde en parlait. La gestionnaire d’immeuble ne faisait tellement rien », affirme-elle.
La gestionnaire de l’immeuble a refusé de commenter la situation, dirigeant les questions vers le département d’affaires publiques de l’UTILE. Par courriel, Tanguay explique de son côté que l’administration a pris action afin de résoudre le problème du vol de colis.
« Nous avons d’ailleurs récemment augmenté la sécurité au vestibule du bâtiment pour en limiter davantage l’accès tout en permettant la livraison de colis par Poste Canada. Cette initiative doublée d’appels ponctuels à la vigilance faits auprès des personnes locataires devrait permettre d’améliorer la situation », dit-elle.
Raymond-Marshall regrette que l’UTILE n’ait pas été plus coopérative lorsqu’elle a voulu déposer une plainte à la police après le vol.
En octobre, lors d’une réunion entre les locataires, l’UTILE, son équipe d’affaires publiques et celle de la CSU, Raymond-Marshall a appris que les vols de colis seraient dus à un piratage du système d’intercom de l’immeuble qui n’avait pas été signalé auparavant.
Kuchar affirme avoir été à plusieurs reprises témoin d’échanges qu’elle qualifie « d’agressifs » entre la gestionnaire de l’immeuble et des résidents, un témoignage partagé par Raymond-Marshall. Ces incidents comptent parmi de nombreux exemples de ce que les locataires et membres de la coopérative qualifient de manque de professionnalisme et de communication.
Tanguay déclare ne pas être en mesure de commenter sur les interactions entre la gestionnaire de l’immeuble et certains locataires sans leurs détails ou contexte. Elle dit qu’il existe des ressources pour les résidents s’ils considèrent que certains comportements sont inappropriés.
« Nous n’avons aucune raison de douter du professionnalisme de notre équipe de gestion. Rappelons qu’une politique pour prévenir et agir en matière de harcèlement et de violence est en vigueur dans tous nos immeubles et que la procédure de dénonciation est diffusée à plusieurs endroits facilement accessibles aux locataires », écrit-elle par courriel.
De son côté, Tanguay explique que le travail des gestionnaires d’immeubles est évalué.
« Sur une base régulière, on fait des sondages de satisfaction auprès de nos locataires, que ce soit lorsqu’ils viennent d’arriver parce qu’on veut savoir si le logement correspond à leurs attentes, mais aussi plus en fin de parcours », dit la directrice des affaires publiques chez l’UTILE.
En raison des problèmes rencontrés, les locataires ont pris contact avec la CSU.
Maria Chitoroaga, coordinatrice du développement durable à la CSU, dit avoir été récemment informée des difficultés rencontrées par les locataires.
« Ayant été présents à la dernière rencontre, nous avons fait des suivis avec UTILE et les gestionnaires de l’immeuble. Nous sommes très inquiets à propos de la situation et nous travaillons avec beaucoup d’ardeur afin de régler les problèmes de gestion de l’immeuble », affirme Chitoroaga.
Elle assure également que « la CSU prendra toutes les mesures nécessaires afin d’apporter les correctifs qui assureront une qualité de vie et une sécurité pour les locataires ».
Les résidents s’organisent
Pendant ce temps, les problèmes s’accumulent à la Note des bois. Les moments où les locataires et l’UTILE devraient en théorie discuter d’activités communautaires deviennent des opportunités pour parler des problèmes du bâtiment, selon Kuchar.
Pour réinstaurer un climat de communauté, certains résidents de la Note des bois ont commencé à se réunir dans la salle commune régulièrement pour organiser des activités et partager leurs expériences. Ces initiatives redonnent de l’espoir aux résidents et leur permettent de tous se réunir autour d’un repas chaud pour parler du futur de la communauté.
L’accord entre la coopérative de la Note des bois et l’UTILE, qui donnait aux locataires le pouvoir de choisir les activités organisées, a été rompu le 1er juillet.
Selon un document rédigé par un groupe de locataires et diffusé à l’interne, cet accord aurait été suspendu unilatéralement par l’UTILE en raison d’un manque de propreté de la salle commune et du manque d’activités inclusives proposées par la coopérative. Le groupe de résidents juge qu’il n’y a pas eu d’avertissement quant à ces problèmes auparavant.
Par courriel, Tanguay explique qu’UTILE a communiqué à la coopérative son intention de ne pas reconduire l’accord six mois avant son échéance, conformément au contrat. Comme le mentionne Chitoroaga, elle ajoute qu’UTILE est en contact avec la CSU.
« Nous travaillons avec CSU à la mise en place d’une nouvelle formule pour garantir à l’ensemble des locataires de la Note des bois une vie en communauté harmonieuse », dit Tanguay.
Avec un investissement total de 46,6 millions de dollars, la CSU et l’UTILE travaillent sur un autre immeuble, la Note des rives. Situé à Pointe-Saint-Charles près du canal de Lachine, il est encore en phase de développement et devrait ouvrir ses portes en 2026. L’immeuble comptera 95 appartements et pourra accueillir jusqu’à 208 étudiants, selon l’UTILE, mais il n’est pas prévu qu’il s’agisse d’une coopérative de solidarité ou d’habitation.
Félix-Antoine Beauchemin a contribué au reportage.