Bien que leur implication comporte son lot de défis, des femmes libanaises s’engagent pour construire la paix dans leur pays grâce à des initiatives variées. Le 13 janvier, une conférence à l’Espace 4 de l’Université Concordia mettait de l’avant leur défis.
Jumanah Zabaneh, gestionnaire du Programme des Nations unies pour les droits des femmes au Liban, Christina Foerch Saab, fondatrice de Combattants pour la paix, ainsi que Pascale Bafitos, directrice du Centre Restart pour la réhabilitation des victimes de la torture et la violence, ont présenté leurs expériences d’intervention humanitaire pour la pacification et la déradicalisation du Liban. La conférence Les femmes, bâtisseuses de paix était modérée par Zeina Ismail Allouche, chercheuse en guérison autochtone à Concordia ainsi qu’experte en protection de l’enfance.
Exilée au Canada et témoin éloigné de la guerre et de la destruction des lieux de son enfance, Allouche a expliqué que modérer cette conférence s’inscrivait dans sa démarche personnelle pour développer son identité libanaise.
Pour illustrer sa vision de l’exil, la modératrice a cité l’écrivain palestinien Mahmoud Darwish : « Beirut est l’odeur du ciel, de la mer et des citrons, l’exil est l’odeur du désir et de la recherche d’un endroit éloigné. » Elle considère qu’au Liban, les femmes sont écartées de la sphère politique mais restent malgré tout les instigatrices des initiatives pour la paix.
Jumanah Zabaneh s’est dit quant à elle remplie d’espoir pour le nouveau gouvernement libanais du président Joseph Aoun, élu le 9 janvier, et du premier ministre Nawaf Salam, président de la Cour internationale de Justice. Cette élection a eu lieu suite à une période de deux ans où le Liban n’avait pas de président après le départ de Michel Aoun.
En tant que fille de réfugiés palestiniens au Liban, elle s’est remémoré son enfance durant la guerre civile libanaise de 1975 à 1990, ainsi que le travail qu’elle a accompli pour la réconciliation entre les différents groupes sociaux de son pays.
Son travail de coordonnatrice pour les Nations unies l’a poussée à faire de nombreuses recherches sur la condition des femmes au Liban. Zabaneh a expliqué que lorsqu’elle à visité le village d’Akkar dans la campagne libanaise pour créer un groupe de soutien pour les femmes, il a été très difficile pour elles de parler de la guerre, même vingt-cinq ans plus tard. L’objectif de Zabaneh est d’aider les femmes qui ne sont traditionnellement pas ciblées par les ONG, comme celles vivant dans les campagnes et les banlieues plus pauvres.
Pascale Bafitos est coordonnatrice de recherche en milieu carcéral. Elle a commencé à travailler dans les prisons à l’âge de seize ans, et a maintenant plus de vingt ans d’expérience en accompagnement de détenus violents et extrémistes. Bafitos met au point des programmes de déradicalisation. Elle explique qu’elle vise à « offrir des services de réhabilitation complets et à créer une culture de responsabilité, respect, compréhension mutuelle et prévention de la torture dans les prisons ».
« Les intervenantes se trouvent stigmatisées par les détenus et par les policiers ainsi que par leur propre famille », explique Bafitos « J’étais souvent la seule femme et parfois des policiers me disaient que si j’étais leur épouse, ils ne me laisseraient pas travailler dans de telles conditions. Pour travailler dans l’immeuble B avec les détenus condamnés pour extrémisme violent, il a été difficile d’avoir l’autorisation du gardien de la prison ».
Bafitos a aussi expliqué que certaines prisons sont autogérées par des imams et que, pour travailler avec eux, le port du voile lui est imposé.
La conférence s’est terminée sur une note douce-amère lorsque, suite à une question de Sham Karakji, qui a demandé ce qu’il en était de l’intégration économique des femmes libanaises, Jumanah Zabaneh a expliqué que les femmes sont souvent marginalisées économiquement et qu’elles ne sont pas soutenues dans des rôles au-delà du foyer, que ce soit pour l’accès à l’emploi ou le développement personnel à travers l’éducation, notamment.